photographie
Kawak Ijen, 2386 m. Je n'oublierai jamais cette marche avec les porteurs de souffre.
Il est 4h30 du matin, j'enfourche une moto conduite par un habitant du village qui m'emmène au pied du
Kawak Ijen, volcan d'Indonésie situé sur l'île de Java dont le nom signifie "cratère vert".
Là, dans le jour qui se lève à peine, des hommes montent continuellement vers ce que je
découvrirai après une ascension très pénible de 3km, ponctuée par un panneau tous les cents mètres.Ils sont souriants,
semblent n'éprouver aucune difficulté à gravir cette montagne avec leurs paniers vides et très souvent, en me doublant,
ils m'offrent un léger sourire de bienvenue.
Après une heure et demie, j'aperçois cette fumée épaisse comme sur la première photo et avant d'avoir vu le cœur du
cratère je suis pris de frissons tant par la beauté de ce qui m'est offert que par le côté mystérieux de cette vision.
Serais-je si près des hauts fourneaux de Lucifer ? Ensuite apparaît le cratère, ponctué de minuscules points jaunes
qui semblent se déplacer en permanence. Au bord du lac puant, des failles dans la roche laissent s'échapper par
intermittence de la fumée blanche ou jaune. C'est là que les ouvriers récoltent le souffre. La descente comme la montée
se font sur ce versant très raide à travers les éboulis de roches, nul sentier ici, les hommes sont en tongs, chargés,
au retour, de 70 à 80 kg de pierres jaunes fluorescentes. Ce qui représente souvent bien plus que leur poids. Au village,
les familles de ces hommes, qui vivent en alternance quinze jours sur le site et ensuite quinze jours en famille, m'ont
conseillé d'apporter des cigarettes. Effectivement, tout au long de cette descente où je croise ces hommes chargés du
souffre qu'ils remontent du cratère, c'est l'occasion de brefs échanges. Ils ne parlent pas anglais et je ne parle que
deux,trois mots d'indonésien mais de larges sourires apparaissent sur leurs visages à la vue des cigarettes qu'ils
s'empressent bien souvent d'allumer. Rajoutant un peu plus de fumées, volutes de bonheur, dans ce décor Dantesque.
Après cette descente, j'arrive sur les lieux de l'extraction. Là, quelques hommes s'activent enveloppés de fumées et
de protections des plus sommaires, ceux-là n'ont pas le temps de lever la tête, il ne faut pas ralentir l'extraction
du souffre afin que chacun des porteurs perde le moins de temps. Je me mets à penser à Zola et me dit que dans ces rêves
les plus fous, il n'a certainement rien imaginé de tel.Tous les jours, vers 9h du matin, l'humidité forme d'épais
nuages qui montent du lac et obstruent le cratère d'une fumée sulfureuse et jaunâtre. Impossible d'y voir à 10 m.
L'impression est suffocante, on se retrouve dans un monde cotonneux à marcher à tâtons dans ce chaos rocheux. Les
porteurs, eux, ne ralentissent pas leur rythme. Il leur faut faire deux voyages par jour pour gagner l'équivalent de six euros.
D.R
photographie numérique
2014