
Le discours
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"Le travail lui-même est nuisible et funeste non seulement dans les conditions présentes, mais en général, dans la mesure où son but est le simple accroissement de la richesse".
Traditionnellement, deux grandes idéologies dominent notre conception du travail et participe de la dichotomie historique de la gauche et de la droite politique. La première, d'inspiration marxiste, assimile le travail à l'exercice de la domination d'un groupe (les détenteurs du capital) sur le reste de la société, il est considéré comme un acte de soumission forcé, de labeur qui s'érige contre le principe de liberté qui dirige la nature humaine. Si le travail est tout de même considéré comme nécessaire, c'est d'abord pour ses qualités socialisatrices, et en vertu de la prévalence de l'intérêt du collectif sur l'intérêt individuel.
C'est cette même liberté qui est invoquée par la partie adverse pour exiger l'assouplissement du droit du travail et permettre ainsi à ceux qui le souhaite d'exercer librement et sans contrainte leur capacité à créer de la richesse, elle même considérée comme le moteur de la réalisation de soi et la condition de la liberté individuelle. Si la dichotomie persiste dans les schémas de pensée, elle ne reflète pas l'actualité des discours politiques qui portent sur le travail un regard visiblement paradoxal. Ceux ci affirment d'une part que le travail est une valeur morale garante de la stabilité de la famille et de la société - tout en sachant qu'une partie de la population à laquelle il s'adresse est au chômage et l'autre souffre d'une grave dégradation de ses conditions de travail - et d'autre part que le travailleur et son salaire doivent se soumettre aux lois de la compétitivité, de la flexibilité et aux ajustements structurels. Autrement dit, le travail est à la fois un pilier de la civilisation et une variable d'ajustement ; une valeur humaine stable qui n'a pas de prix, et une variable économique quantifiable déshumanisée qui n'a donc plus de valeur.
Les idéologies s'interpénètrent, les pratiques contredisent les théories, les paradoxes s'accumulent, et les intentions qui nourrissent les discours apparaissent d'autant plus obscures.